Les rizières |
La nuit n’a pas été si mauvaise pour l’un comme pour l’autre.
C’est plein de coqs qui le matin viennent nous annoncer le jour.
J’aime ces moments où la vie qui commence vient s’infiltrer dans mes rêves, ça m’apaise et je me rendors.
C’est comme à Verdun, le carillon qui s’éveille à 7h vient me dire que la nuit se termine et rassuré je me rendors. L’angoisse de la nuit disparaît.
Je me lève à 8h, je laisse Véro dormir, je m’habille et je traverse la chambre en me faisant le plus léger possible. Lorsqu’on marche sur les planches du sol tout bouge dans la chambre.
Il fait froid et humide.
Je descends vers l’embarcadère pour aller voir au ticket office l’horaire et le prix pour demain matin. C’est un vieux camarade qui le gère. Pour Nang Khiaw le bateau part à 9h30 et c’est 25 000 par personne.
Des bateaux partent déjà certainement pour Muang Koua, ils remontent le cours de la rivière.
Je reviens au bungalow Véro dort toujours, mais elle se réveille à mon retour.
Elle n’a plus de voix mais ça va.
Elle se lève et on retourne à l’embarcadère pour les photos, la lumière est bien.
C’est beau le soleil qui monte sur cette vie fluviale, des nuages de brume accrochés à mi pente sur les reliefs environnants.
Le bateau pour Nong Khiaw est accroché au quai flottant.
Les touristes attendent avec leur chargement sans oser demander où s’avancer. Sur le quai les Lao n’osent rien leur dire et chaque groupe attend de son côté.
Enfin, cinq minutes avant tout le monde se précipite.
Une fois le premier sampan bourré, sacs et valises dépassant le bastingage, un deuxième sampan, puis un troisième.
Une fois tout le contingent chargé les trois sampan partent pour Nong Khiaw.
On remonte, plus de fêtards chinois et plus personne dans les rues. Grand calme et la bourgade semble avoir repris son rythme paisible.
On va prendre un petit déjeuner en face du self d’hier soir à l’ombre d’un parasol. La simple protection du parasol, apporte la fraîcheur. Des fruits, des baguettes de pain, des œufs du café. Bonne connexion WiFi parce qu’on ne l’a pas dans la chambre et qu’on est obligé de se mettre en partage de connexion avec la 3G des téléphones.
Retour à la chambre pour la toilette du matin. On fait tout à l’envers ce matin et j’ai moi-même réussi à mettre mon T-shirt à l’envers et devant derrière et Véro ne s’en est pas encore aperçu, moi non plus d’ailleurs.
On prend de l’eau et on prend la direction de Banna.
Notre ami le routard précise : petit chemin, en fait c’est une large piste poussiéreuse sur laquelle passent des engins comme des petits tracteurs. Les essieux sont reliés entre eux par une sorte de pont sur lequel est posé le moteur et le conducteur.
Devant et derrière deux plates formes permettent le transport de marchandises ou de personnes. Le tout recouvert d’un toit pour protéger du soleil et des intempéries.
Un de ces engins nous suit, s’arrête à notre hauteur et nous demande si on veut monter pour Banna. La piste est moche et ne présente aucun intérêt, comme nous ne sommes pas trekker on dit oui.
On préfère voir des gens que bouffer de la poussière et les voir sans trop de fatigue. Sur le plateau avant il y a déjà une passagère. C’est une étudiante japonaise qui est ici pour étudier la vie des Lao, leur alimentation et elle, elle va à Hoy Bo qui est un peu plus loin et que le Routard donne comme plus authentique. On se dit que quitte à revenir à pied, autant aller au plus loin avec l’engin.
Le voyage sur cet engin et la piste nous donne parfois l’impression d’être sur un grand 8 qui traverserait des rivières et ruisseaux. Le dossier est une belle barre métallique carrée qui nous caresse pas vraiment le dos à chaque soubresaut. La plateforme est étroite et il faut replier ses jambes genoux sous le menton, même la Japonaise, sinon nos pieds peuvent servir de pare choc. Ce qui rassure Vero, c’est que la Japonaise fait régulièrement ce trajet dans ces conditions.
On croise des gens comme nous qui utilisent le même mode de transport et des gens à pied, inconditionnels du Routard, l’un d’entre eux nous fait un signe de la main pour nous montrer que ce n’est pas bien. Sûrement un trekker qui nous mettrait volontiers à l’Ehpad.
Il ne se doute pas du nombre de censeurs qui voudraient bien comme lui ,qu’on arrête.
En 2005 je crois, une personne qui était venu au Laos me disait « le Laos c’est fini ».
Sans doute que ce trekker en nous voyant s’est dit le Laos c’est fini. Lorsque le Routard dit « prendre le petit sentier », on voit en effet que son Laos d’il y a peut-être dix ans c’est fini. Le Laos évolue et c’est heureux. Aujourd’hui il faut s’adapter à cette évolution. Nous sommes allés au Maroc en 1980, notamment sur une plage de l’Atlantique qui ressemble aujourd’hui à une station balnéaire du littoral français. Je peux dire le Maroc c’est fini. Je parle de cette plage parce qu’à l’époque il n’y avait qu’un hôtel de passe. Nous avions dormi là avec les enfants. Pour se rassurer, Véro avec l’autocollant d’un protège slip enlevait quelques poils de cul sur des draps bien fournis. Eh oui les grincheux, il faut parfois faire un investissement dans des protège slip. Le Maroc c’est fini, et j’espère que dans ce domaine ils ont fait des progrès.
Aujourd’hui on décide qu’on n’a pas envie de marcher sur la piste poussiéreuse et ravinée, on prend ce tracteur que le ciel (mille excuses camarade) nous a envoyé.
Je vous accorde que le conducteur super sympathique au demeurant ne l’a pas fait dans l’intérêt du parti.
Arrivée à Hoy Bo on remarque que le village est entièrement clos par des barrières de bambou. La porte d’accès est ouverte mais il est possible de faire coulisser des bambous pour tout fermer.
On traverse le village sur l’engin, ça n’émeut personne. On s’arrête devant un petit restaurant qui appartient aussi à notre conducteur de tracteur. C’est beaucoup, camarade capitaliste.
Avant de déjeuner, on veut faire le tour du village.
Ce qui est déconcertant, mais sans doute par manque de culture Lao, on ne voit pas autour de quoi s’articule la construction du village, pas de temple, pas de protections. Pour nous c’est déconcertant. On comprend bien l’intérêt de son implantation géographique, de l’eau et un espace large et plat qui permet la culture. L’implantation de chaque maison nous échappe on n’a pas l’impression d’avoir en bordure du village des espaces réservés à des gens modestes.
Les maisons traditionnelles se ressemblent et cet ensemble architectural semble encore avoir échappé au progrès. Des capteurs solaires permettent quand même à chaque maison d’avoir de l’électricité individuellement pour la télé peut être, pour charger le téléphone.
Le plus dérangeant et insupportable, c’est que ces gens nous font sentir, peut-être pas tous, mais pour nous c’est très fort, qu’on vient les voir dans leur réserve. Ils savent qu’il y a des trekkers qui font 4h de marche aller-retour pour les voir. Je m’imagine à leur place, je trouverais cela insupportable.
Même communistes ils ne sont pas cons.
Des femmes tissent des écharpes, des jeunes filles épouillent leurs longs cheveux, un cochon noir vaque dans les ordures, les enfants jouent. Il y a des motos, des tracteurs, une voiture.
On va déjeuner d’une noodles soupe qui a l’avantage de nous nourrir et de nous apporter du liquide.
Le pilote voyant notre attitude intelligente, non je rigole, voyant son intérêt mais pas que ça je dois le reconnaître, nous propose de nous ramener en nous arrêtant à Banna pour visiter le village et de nous faire découvrir un troisième village Hoy San avec le trajet de ce matin ça fera 14€ pour nous deux. On est d’accord.
Retour donc vers Banna, un peu plus bas dans la vallée mais dans la même configuration, eau et espace plat pour les rizières qui en ce moment sont sèches. C’est sûr qu’en période où le riz est en herbe, cette vallée doit être magnifique.
Au passage de la rivière une belle scène d’enfants jouant dans la rivière avec chien à laver, canards dont un colvert, des oies, des jars, et plus loin des dindons en promenade et de belles vaches et des vaches très claires avec un look de Buffalo.
Le village un peu victime du progrès pour les soubassements fermés par des parpaings, quand on a ressenti le froid humide de cette région soir et matin, merci le progrès. Toujours cette incompréhension de l’organisation et l’impression de réserve qui est un peu moins fort. Ici arrive plus de monde, est-ce cela ?
Dans chaque village il y a une boîte pour donations, comme dans les temples, pour l’entretien ou le fonctionnement de l’école. Camarades, ne nous la faite pas ONG, négociez avec les Chinois, l’argent de la corruption ou une partie pourrait largement suffire à cela. Je vous l’accorde c’est pareil chez nous avec les lobbyistes.
On reprend la route pour Hoy San. On change de vallée. La piste existe toujours, le petit chemin du Routard n’y pensez plus. La piste suit par endroit le cours d’une petite rivière. A chaque entrée et sortie, c’est toboggan assuré. Trois femmes sur la piste et le chauffeur nous demande si on est d’accord pour les prendre. C’est oui bien sûr, on a tellement véhiculé de gens au Sénégal avec notre Hilux de location. Flûte, les grincheux vont croire qu’on était plein aux as. Tant pis je les laisse croire sinon je ne vais pas terminer. Elles prennent place sur la plateforme arrière.
Après beaucoup de sauts et soubresauts on arrive. Le village est clos lui aussi par des bambous le portail est ouvert, mais notre conducteur reste à l’extérieur. Interdit ou respect ? On n’a pas les codes.
Tout de suite on sent à je ne sais quoi que c’est plus détendu vis-à-vis de nous.
Pas les hommes, mais on en voit peu.
Des jeunes femmes, jeunes filles et fillettes attroupées autour d’un point d’eau, regardent, commentent, aident l’une d’entre elle qui nettoie une petite poule morte comme si elle enlevait des restes de plumes fichées dans la peau. Je dis ça parce qu’elle tire sur la peau, puis frotte avec de l’eau, il me semble que c’est comme ça qu’on faisait quand il y avait encore des poules, du moins c’est ce que ça m’évoque. En face une belle maison traditionnelle, c’est l’épicerie. On y est accueilli par des sourires.
Dans le prolongement de la façade il y a une très belle cuisine propre et bien rangée, une maman et sa petite fille s’affairent. Pendant que Véro prend des photos, je m’assieds à côté du vieil épicier et ça ne pose pas de problème, deux vieux ensembles.
Là, camarade je trouve que c’est exagéré demander de faire une donation pour « la maison village club », même les ONG ne le font pas.
On boit un coca, pas glacé pour une fois il n’y a pas de frigo, mais frais de la fraîcheur des maisons.
On rentre, dernière partie de la route qu’on avait commencé à faire à pied.
A l’arrivée vertèbres tassées et Bottom endolori, quelques pas pour se remettre en marche.
On remercie chaleureusement notre pilote qui a su si bien nous offrir ce qu’on n’espérait pas.
Certes c’était un peu capitaliste cette démarche de sa part, mais j’espère qu’il bénéficiera d’indulgence.
Retour à l’hôtel grosse fausse pause, pas de cessation d’activité, le disque dur de l’ordi est saturé il faut le vider sur un nouveau disque externe.
Puis vidage des nouvelles photos pour préparer l’édition de ce soir.
On va dîner au Rainbow parce que la connexion est bonne. En commandant un chicken curry très chaud, on s’aperçoit que la cuisine est bonne aussi.
On revoie les Bretons qui ont galéré ou sampané pour arriver ici, demi-tour du sampan, puis ils doivent quitter le sampan pour passer un rapide et au lieu d’arriver en début d’après-midi, ils sont arrivés aujourd’hui en fin d’après-midi.
Un peu désabusés les Bretons, ils avaient sûrement imaginé un autre voyage. C’est vrai qu’en individuel, c’est pas toujours facile, mais les choses s’arrangent toujours.
On dîne à côté d’un groupe de Français. Je ne sais pas si je vous le dis, vous allez me conseiller de retourner en Italie.
Allez tant pis, ils veulent boire du vin blanc, tu te rends compte il n’y en pas. Une vraie conscience des réalités.
Ils ne veulent pas de glace, no glass please . On leur sert les bouteilles et les cannettes, alors ils réalisent que ice et glass c’est pas la même chose. Discours sur des culottes, des pyjamas, des sous tifs ...Etc. Parfois on se demande pourquoi on est si seuls en France. Entre les jaloux et les cons, je reconnais qu’on a peu d’indulgence, mais il faut savoir pourquoi on vit.
Maintenant ils se posent la question de savoir quand ils vont manger du rat ou du serpent. Vous aviez deviné, ils ont un guide.
J’arrête, mais eux sont inarrêtables.
Je vous rappelle quand même, une bombe toutes les huit minutes pendant dix ans.
Comme ils ont un guide, les enfants ne leur jetteront pas des pierres, ne leur feront pas de doigts d’honneur.
Ils ont abordé le problème du virus en Chine, expliquant que le gouvernement français négociait pour rapatrier les touristes coincés. Réflexion d’une des femmes « mais on n’en veut pas en France ». Un mec pour la rassurer : « on les mettra en quarantaine au Frioul » normal c’est la région de Pier Paolo Pasolini il était pédé. Je pense qu’il y a en France des Régions de cons dont l’Occitanie n’est pas exclue mais eux, je penche Provence Côté d’Azur.
Je ne les vois pas, je pense qu’ils sont jeunes aux sons des voix. Je me retourne, tous tournent autour de la soixantaine. Trop petits pour l’Indochine, ils s’en tiennent aux livres d’histoire
Je dis fort à Véro : « c’était bien la Chine », et je produis une longue toux caverneuse de vieux cacochyme que me permet l’évolution du rhume.
La conversation à côté baisse d’un ton.
Retour à l’hôtel
Douche
Blog
Dodo
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire